Bernoulli, Johann I an Fontenelle, Bernard le Bouyer [Bovier] de (1729.10.04)
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Autor | Bernoulli, Johann I, 1667-1748 |
Empfänger | Fontenelle, Bernard le Bovier de, 1657-1757 |
Ort | Basel |
Datum | 1729.10.04 |
Briefwechsel | Bernoulli, Johann I (1667-1748) |
Signatur | Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 658, Nr.9 |
Fussnote | Am Briefkopf autograph "à Mr. de Fontenelle" |
J'ai réçû le Recepissé que Vous avez eu la bonté de m'envoyer par l'honneur de V.e derniére lettre; je Vous en suis bien obligé. Vous avés été si promt à me repondre, que je conçois très bien qu'il n'y avoit pas de tems de lire mon petit Ouvrage sur les Tourbillons: Mais du depuis je ne doute pas que Vous n'ayez pris la peine de le lire, d'autant plus que Vous n'y aviés à perdre qu'une ou deux heures de Votre tems, que je sai vous étre trés precieux; Ainsi je vous reitére ma priére de m'en decouvrir V.e sentiment avec toute la liberté qu'on se donne envers son Ami, si vous me refusez cette grace, je prendrai ce refus pour un mauvais augure par rapport au Succés de ma piéce: Je ne comprens pas pourquoi Vous formaliser de ce que je souhaite V.e Jugement; De grace, Mr. n'ai-je pas raison de m'adresser à Vous comme à un Juge competent? a Vous dis-je, qui avés traité la matiére des Tourbillons avec tant d'art et tant de Subtilité, que je n'ai rien vû de ma vie qui m'ait si bien contenté que la Lecture de V.e agreable pluralité des Mondes;[1] Donc encore Vous me ferés plaisir de me dire franchement, si Vous croyés que mes Pensées ne valent rien et qu'elles ne seront pas goutées; il seroit encore tems de redemander mon Ecrit, car je ne voudrois pas me prostituer, ni risquer ma reputation.
J'ai à Vous faire les Compliments de Mr. de Maupertuis, qui respire notre air de Bâle depuis quelques semaines:[2] C'est un Homme de beaucoup d'Esprit et bien versé dans les Mathematiques; Il me fait l'honneur de me venir voir regulierem.t tous les jours pour s'entretenir avec moi sur differents sujets de ces sciences; j'espere qu'à son retour à Paris il Vous rendra bon compte sur ce que je lui aurai communiqué par rapport à V.e excellent Ouvrage des Infinis,[3] et à ce qui regarde la dispute sur les Forces vives;[4] ensorte qu'il seroit inutile de remplir plusieurs grandes Lettres de toutes les particularités qu'il y auroit à dire sur ces deux vastes matiéres. Il pourra Vous exposer dans un Téte à téte de quelques heures toutes mes pensées et cela mieux que je ne pourrois faire dans une vingtaine de grosses Lettres. Vous me demandés cependant un Jugem.t general sur V.e Ouvrage, mais est il besoin de me le demander? Vous savés bien Mr., que j'admire tout ce qui part de V.e plume; aussi cet Ouvrage est il le plus exquis dans son genre, c'est un Original qui n'a pas de son pareil: on y aperçoit un fond inepuisable de Meditations, et des raisonnements liés et suivis d'une telle maniére, qu'on ne sauroit se dispenser d'admettre V.e Systeme si nouveau et si extraordinaire; seulem.t Vos finis indeterminables causent de la peine, si vous pouviés les mettre dans un jour plus clair pour en avoir une Idée nette et distincte, je crois que tous les Geométres Vous applaudiroient. J'ai fait jusqu'ici tous mes efforts pour trouver quelque denouement d'une Contradiction à laquelle les finis indeterminables me paroissent sujets, mais malgré mes Efforts, je n'en trouve point encore: L'idée de l'infini que l'on a ordinairement c'est d'étre inassignable, ou plus grand qu'aucune autre grandeur donnée d'une méme espéce data quavis quantitate assignabili majus; or inassignable et indeterminable sont des termes synonimes, il me semble donc que qui dit finis indeterminables dit autant que finis inassignables ou finis infinis, ce qui seroit contradictoire; si je me trompe, tirés moi de mon erreur: je sai bien qu'une mince quantité peut étre finie, infinie, et infinim.t petite, comme le à l'egard de et de , mais ce n'est que relativem.t au lieu que vous considerés vos finis indeterminables comme tels dans un sens absolu; voilà ce qui m'arréte.
J'apprens par une Lettre de mon fils à Petersb. reçue depuis peu de Jours que les belles remarques de Mr. l'Abbé de Bragelonne lui sont parvenues;[5] Je coupe de sa Lettre le post scriptum où il en parle, pour Vous l'envoyer ici tel qu'il l'a écrit lui méme; cela m'epargne la peine de le copier; Vous y verrez le jugem.t qu'il porte de V.e Ouvrage et ce qu'on en juge generalem.t à Petersbourg parmi les Mathematiciens; Nous concourrons à Vous rendre justice sur l'Excellence de V.e Ouvrage. Seroit il possible qu'il y eut quelqu'un d'un gout assez depravé pour ne se pas conformer à nos Sentimens? Ne croyez pas que je donne dans la flatterie; Vous devez savoir par experience que je suis d'une humeur bien eloignée de deguiser mes veritables Sentiments. Il y a peutétre des Erreurs dans V.e Livre et il me semble y en avoir remarqué quelques unes, mais elles n'influent pas sur le dessein de tout le Systéme, qui est trés bien lié dans toutes ses parties; Il n'y a pas moyen d'empecher, qu'il ne se glisse toujours quelques Inconveniens dans l'Execution d'un projét d'une vaste étendue, tel que le Votre.
Il fait beau voir les Anglois créver de rire en voyant le sujét du prix sur les Aphelies des Planétes etc. qu'ils croyent demontré à fond et epuisé par Mr. Newton: Il nous est permis de rire à nôtre tour de leurs folles attractions et de leur vuide; et nous verrons un jour lequel des deux partis aura les derniers Rieurs de son Coté. J'ai deja insinué dans ma piéce §10 que je suis en état de demontrer la Cause de ce que les Anglois nomment Gravitation par des Principes purement mechaniques, et d'établir par là meme le Systéme de Mr. Newton sur des principes clairs et intelligibles sans avoir besoin de l'attraction et du vuide; On croira peutétre que c'est entreprendre une Chose impossible, mais j'en ferai voir la possibilité par l'execution de ce que j'ai promis, en cas que mon Ecrit sur les Tourbillons trouve un Accueil favorable: J'en ai communiqué mes Idées à Mr. de Klingenstierna, Homme trés penetrant, qui les a fort approuvées. J'ai l'honneur d'étre avec beaucoup d'Estime et de Veneration Monsieur Votre trés humble et trés obeissant Serviteur J. Bernoulli
à Bâle ce 4. 8bre 1729
Fussnoten
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