Fontenelle, Bernard le Bouyer [Bovier] de an Bernoulli, Johann I (1725.06.07)

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Autor Fontenelle, Bernard le Bovier de, 1657-1757
Empfänger Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Ort Paris
Datum 1725.06.07
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 658, Nr.4*
Fussnote



File icon.gif de Paris 7 Juin 1725.

Monsieur

Je vous remercie trés humblement de la peine que vous avés bien voulu prendre d'examiner mes idées, et d'y répondre avec quelque étendüe, mais je vous demande encore la grace de trouver bon que j'y ajoute quelques éclaircissements, afin que vous les condanniés, ou que du moins vous les toleriés, car je n'ose prétendre jusqu'à votre approbation, avec une plus entiere connoissance de ce que j'ai voulu dire.

Je suis trés persuadé de tout ce que vous dites sur les Rapports du fini, de l'Infini, et de l'Infiniment petit. Mais il faudroit fixer, ne fust-ce qu'arbitrairement, un Terme d'où tous ces Rapports partissent. J'en fixe un, qui ne me paroit pas arbitraire, c'est celui que tout le monde fixe, le fini, que j'entens dans le sens que tout le monde l'entend, desorte qu'un Infini du 1.er ordre est bien infiniment plus petit qu'ún Infini du 2.d, et est bien à cet Infini du 2.d comme le fini est à l'Infini du 1.er, mais n'est pas pour cela et ne peut jamais etre appellé un fini. C'est le premier et le moindre des nombres finis.

Une infinité d'Unités est un Infini du 1.er ordre, que j'exprime par . Ce est le dernier terme de la Suite naturelle 0, 1, 2, 3 etc. continuée à l'Infini, et est aussi la somme de toutes les differences de cette Suite. Vous méme, Monsieur, vous le prenés ainsi, car je me souviens qu'ayant dit à M. Varignon que j'avois trouvé la somme de la suite naturelle infinie , il me dit que vous l'aviés trouvée avant moi, et j'en fus ravi. Or l'expression de cette somme suppose que est le dernier terme de cette Suite infinie. Jamais dans tout mon ouvrage je ne prens qu'en ce sens là, et il n'y a jamais d'équivoque.

La somme de (je suppose ma premiere Lettre[1]), beaucoup moindre que celle d'un méme nombre infini d'Unités, est cependant infinie, et par File icon.gif consequent n'est que du 1.er ordre d'[infi]ni, et celle de infiniment petite par rapport à elle, est donc finie, et en effet ces deux sommes representent deux espaces Asimptotiques d'une Hiperbole qui passe le 2.d degré, dont l'un est infini, et l'autre fini dans le méme sens qu'un quarré d'un pied est fini.

Or il est impossible qu'une infinité de termes finis, quelque décroissants qu'ils soient, ne fassent qu'une somme finie. Car soit le dernier de ces termes , étant un nombre fini si grand que vous voudrés, si je suppose tous ces termes égaux à , le moindre de tous dans la Suite proposée, la somme de la nouvelle Suite sera à celle des Unités . Or tout ce qui a un rapport fini à l'Infini est Infini aussi, et du méme ordre, quoi qu'il puisse étre moindre en telle raison qu'on voudra.

La progression geometrique , , , , ... n'est point toute composée de moitiés de termes finis, cela paroist d'abord bien evidemment par son dernier terme , qui certainement n'est pas la moitié d'un nombre fini. On peut déja conjecturer delà que ce est precedé de beaucoup d'autres infiniment petits du méme ordre, mais il y a plus, le dernier terme est d'un ordre d'infiniment petit beaucoup au dessous de .

J'exprime la progression sous cette forme équivalente , , , ... et je dis que . Soit un nombre quelconque, il est aisé de voir que dés que , on a , donc . Et de plus, plus est grand, plus est grand le rapport de à , desorte que étant , est au moins . J'ai prouvé qu'il va encore beaucoup au delà. Mais il suffit ici que la progression soudouble finit au moins par , ce qui fait voir qu'elle a vers son extremité au moins trois ordres d'infiniment petits. Tout cela est fort détaillé dans mon ouvrage, et mis, ce me semble, dans un assez grand jour.

En géneral, et cela suffiroit àpresent, une infinité de termes finis égaux, quelque petits qu'ils soient, ne peuvent jamais faire une somme finie, car ils pourront toujours tous étre pris pour autant d'Unités, dont la somme est certainement un Infini du 1.er ordre. Tout ce qui arrivera File icon.gif c'est que cet Infini sera plus ou moins grand sans sortir de son ordre. Si une infinité de termes finis devoient faire une somme finie, ce seroit un paradoxe, qui vaudroit bien le mien, et s'il faloit choisir entre les deux pour former un Sistéme total de l'Infini, j'espererois prouver que le mien seroit aussi recevable.

Donc enfin n'ayant qu'une somme finie n'a qu'un nombre fini de termes finis, et tout le raisonnement fondé sur cette proposition subsiste on son entier.

Vous dites, Monsieur, que le passage du fini à l'Infini par la seule addition de 1, est inconcevable. J'en conviens, et c'est là, selon moi, tout le noeud de l'incomprehensibilité de l'Infini. Je l'ai dit, et redit. Mais quoique l'on ne conçoive pas comment ce passage se fait, il faut necessairement concevoir qu'il s'est fait, et cette idée est si indispensable que vous méme vous l'avés prise naturellement, en faisant passer la Suite naturelle de à par , .... . Car si elle passe ainsi de à , elle passe de méme de 1 à .

Je ne croi pourtant pas qu'il faille pousser la Suite naturelle au de là de . Je la termine toujours là pour avoir la somme que vous avés trouvée, et que je compare à un grand nombre d'autres sommes. Si on poussoit la Suite naturelle au delà de , on ne démesleroit plus assés les differents Ordres, dont il est important de conserver la distinction dans un Sistéme general, mais cela ne fait rien à la question presente.

Voilà, Monsieur, tout ce qui m'est venu dans l'esprit pour tâcher de me sauver de vos excellentes Objections, et je vous prie de pardonner à un peu d'opiniatreté assés naturelle aux Auteurs. La mienne est pourtant toute preste à vous ceder, je sai que je ne serois pas digne d'etudier en Geometrie sous vous, et vous me donnés moins de goust que jamais pour l'impression, quoi que vous ayés la politesse de m'y exhorter. Tout l'ouvrage ne vaut rien, ou il faut que le Paradoxe passe, tant il est lié à cet ouvrage, que j'ose dire qui est extremement lié en lui méme. Je me flaterois méme que le grand accord de toutes les idées, trés naturel et trés necessaire, en seroit presque une preuve, et jamais je ne me suis veu mené par là à aucune conclusion fausse. S'il y a des Paralogismes, ils sont de moi, et non du Sistéme.

File icon.gif C'est moi, Monsieur, qui vous ai en[v]oyé la Mechanique de M. Varignon.[2] Comme je suis Legataire de ses papiers, et que j'ai fait imprimer cet ouvrage, j'ai cru ne pouvoir mieux suivre l'intention de mon illustre Ami qui vous honoroit infiniment, qu'en vous envoyant ces Exemplaires. M. votre fils (Daniel) m'a fait l'honneur de me mander le 6 Mai qu'il y avoit une équivoque sur le nom de Nicolas, parce qu'il y en a deux. Pour lever l'équivoque, ayés la bonté de m'indiquer une voye pour vous envoyer encore un Exemplaire, et vous l'aurés dans le moment. Tout ce qui porte votre nom, est trop respectable pour mo[i] et pour tous ceux qui ont du moins le gout du merite. J'ai veu dans la Mechanique de M. Varignon une proposition generale de vous sur les Energies,[3] que je ne connoissois point, et qui m'a paru admirablement belle. On y reconnoist bien votre grand et rare genie.

Je ne vous demande point, si vous ne voulés, la grace de répondre à cette grande lettre, et de lever mes difficultés. A Dieu ne plaise que j'entre en aucune sorte de contestation avec vous, cela seroit un peu trop extravagant, et d'ailleurs, comme je vous ai dit, l'impression ne me tente pas beaucoup. Je ne merite pas que vous vous dérobiés pour moi à des occupations sans comparaison plus importantes, et plus utiles. Conservés une santé aussi pretieuse que la vostre, je ne vous prie que d'etre bien persuadé de l'extreme veneration avec laquelle je suis Monsieur Votre trés humble et trés obeïssant serviteur Fontenelle.

M. de Mairan a reçû les 2000 [livres][4] pour M.r votre fils. Il vous prie de lui mander ou à moi à qui vous voulés qu'il les remette, pour vous en épargner le change, si vous en avés l'occasion. Sinon, indiqués lui un Banquier. Il faut aussi que M.r votre fils lui envoye une décharge, parce qu'il a donné son Reçû au Tresorier de l'Academie.


Fussnoten

  1. [Text folgt]
  2. [Text folgt]
  3. [Text folgt]
  4. Das Währungssymbol "\#" im Manuskript ist als "livres" aufzulösen. Es ist bekannt, dass der Akademiepreis damals 2000 livres betrug.


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