Bernoulli, Johann I an Fontenelle, Bernard le Bouyer [Bovier] de (1725.05.28)

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Kurzinformationen zum Brief       mehr ...
Autor Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Empfänger Fontenelle, Bernard le Bovier de, 1657-1757
Ort Basel
Datum 1725.05.28
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 658, Nr.3
Fussnote Fo.1r am Briefkopf autograph "à Mr. de Fontenelle. Autographe Korrekturen. Letzte Seite leer



File icon.gif Monsieur

Vous aurés reçu la lettre que mon fils s'est donné l'honneur de Vous écrire;[1] il lui est glorieux d'avoir remporté le prix et cela m'a fait du plaisir.[2] Je Vous suis obligé de Vos complimens là dessus, d'autant plus que je suis convaincu que Vous en avés autant de joie, que moi meme; Mr. de Mairan m'ayant assûré, que mon Discours In magnis voluisse sat est,[3] communiqué l'année passée, rentrera en lice pour le prix de l'année prochaine, où il s'agit de la communication du mouvem.t des corps à ressort, je vai travailler à une addition, qui contiendra une explication probable de la cause physique du ressort, par ce que le programme publié par l'Illustre Acad. exige une telle explication; Sans cela on diroit peutetre que mon discours ne repond pas à toutes les parties de la question. Je me flatte que les bons connoisseurs approuveront mes idées sur la cause du ressort; Elles sont toutes nouvelles et me paroissent tres plausibles, si tout le monde etoit de Votre penetration et de Votre gout, je me prometrois d'avance les suffrages de tout le monde. Je suis depuis quelque mois si accablé d'affaires à cause d'une charge bien onereuse, que notre Magistrat m'a conferé pour un an et qui m'occupe tous les jours depuis le matin jusqu'au soir,[4] et avec cela je me trouve File icon.gif d'une santé si foible, qu'il m'est presque impossible de m'attacher à des meditations profondes, telles que demanderoit tout ce que Vous me faites l'honneur Mr. de me proposer sur les infinis et les infiniment petits; Je tacherai pourtant malgré mes distractions et mon infirmité de faire des remarques sur chaque article de Votre Lettre. Il y a deja bien du temps que j'ai entendu parler avec Eloge de Votre bel Ouvrage intitulé Elements de la Geometrie de l'infini; Tout le monde, qui connoit l'Excellence de ce qui part de Votre plume et l'exactitude avec la quelle Vous traitez votre sujet, souhaite que Vous le fassiez enfin imprimer. Vous n'avez pas à craindre, que le public ne juge, que c'est un Ouvrage precipité contre le precepte d'Horace, nonumque prematur in Annum,[5] puisque selon ce que feu Mrs. de Monmort et Varignon m'en ont ecrit, il faut qu'il y ait bien deux fois neuf ans qu'il etoit presque achevé; connoissant aussi bien que je fai Votre grand genie, je conçois aisém.t que Votre Ouvrage est un systeme accompli et tres bien lié de tout ce qu'on a decouvert sur cette grande matiere, et qu'il sera un spectacle tres beau pour un Esprit Mathematicien. File icon.gif Hatez donc Mr. de contenter notre desir et de ne nous laisser pas languir plus longtems; Vos pensées paradoxes ou plutot surprenantes, que Vous dites y avoir melées, seront autant d'ornemens fort agreables à lire, par leur singularité et nouveauté, meme pour ceux qui n'y trouveront pas une entiere evidence. Je veux bien avouer Monsr. puisque Vous me demandez mon sentim.t que je suis de leur nombre, au moins, quant aux echantillons, que Vous avez la bonté de me proposer. Je souhaitterois d'etre en etat de Vous faire comprendre clairem.t mes difficultez, mais la matiere est si abstraite d'un coté et de l'autre, je me trouve si peu disposé à faire une discussion exacte par les raisons susdites, outre la difficulté, que je me sens icy particulierem.t de m'exprimer dans Votre langue, que je n'ose pas me flatter que Vous gouterez mes raisonnemens bien loin de Vous faire changer de sentim.t, souffrez cependant, que je hazarde à faire des remontrances plutot que des objections.

Je me souviens que Mr. de Mairan me communiqua il y a plus d'un an (je crois de Votre part) quelques unes de Vos pensées sur les infinis,[6] je lui repondis assez amplem.t,[7] mais je ne sai pas s'il Vous a communiqué ma réponse; Autant qu'il m'en peut souvenir, je Lui fis connoitre que tous ces pretendus File icon.gif paradoxes et ces contradictions apparantes naissent de ce qu'on ne reflechit pas assés sur la Nature des infinis et des infinim.t petits dont on traitte dans la Geometrie. Comme toutes nos connoissances en Geometrie ne sont que des connoissances des Rapports, on peut dire qu'une grandeur quelconque, n'est en elle meme ni grande ni petite, aussi les termes de fini, infini et infinim.t petit ne sont que relatifs, une meme quantité pouvant etre finie, infinie et infinim.t petite, selon qu'elle est comparée à une telle ou telle autre quantité de meme nature, que l'on considere comme la donnée.[8] L'infini est (suivant la definition ordinaire) quod data qualibet quantitate majus est et l'infinim.t petit quod data qualibet quantitate minus est; De là il paroit, qu'il y a differents ordres de l'infini et de l'infinim.t petit, mais tous ces ordres ne sont pour ainsy dire que des modifications de nos idées, sous lesquelles nous envisageons les grandeurs, les unes par rapport aux autres; On appelle dans l'Analyse des infinim.t petis differentielle, par Ex. d'une ligne considerée comme finie celle qui est comprise dans cette ligne un nombre infini de fois; mais qu'est ce qui m'empeche de considerer cette meme differentielle, comme une donnée, qui a un nombre infini de parties egales, dont chacune par conseq. sera une differentielle de la precedente?

File icon.gif Ainsi je puis descendre et monter à l'infini, ce qui me fait voir que les differentielles du premier, second, troisieme etc. degrés, ne sont que des façons de parler pour fixer nos idées en calculant; un grain de sable pour me servir d'une comparaison, qui saute aux yeux, est un infiniment petit par rapport à une montagne, la montagne est elle meme un infinim.t petit en comparaison de la Terre, celleci en est un à l'égard du tourbillon solaire etc. Prenez donc ce tourbillon comme une quantité donnée et finie, la Terre pourra etre considerée comme sa differentielle du 1.er degré, la montagne comme sa differentielle du 2.nd degr., le grain de sable comme sa differentielle du 3.me degré etc. mais la terre etant prise pour la grandeur donnée et finie, la montagne de differentielle seconde, qu'elle etoit en consideration du tourbillon, devient dans mon idée une differentielle premiere par rapport à la terre. Cela bien entendu, je prends la liberté d'exposer mes doutes sur ce que vous me faites l'honneur de me communiquer.

Soit , dites Vous, la suite , , , etc. ... ... .

Soit , cette suite quarrée, , , , etc. ... ... .

Il est bien vray ce que Vous avancez Mr., que la somme de est infinie, et celle de est finie, c'est à dire, que la somme de est quolibet numero dato major, ou ce qui est la meme chose elle comprend l'unité une infinité de fois; et que la somme de ne surpasse pas tous les nombres File icon.gif donnés; mais la seconde partie de la consequence que Vous en tirez, ne me paroit pas evidente, quand Vous concluez ainsi, donc il y a dans une infinité de termes finis ce qui est tres vray, et dans il n'y en a qu'un nombre fini, ce que je ne comprends pas; car si le nombre de termes finis dans etoit fini lui meme, il faudroit que tous les termes, aprés le dernier des finis, fussent infinim.t petits, c'est à dire, que chacun aprés ce dernier terme là, fût compris dans l'unité une infinité de fois; supposons par ex. que dans il y ait seulem.t 100000 termes finis, il s'en suivroit selon Votre supposition, que le 100001.e terme seroit deja infin.t petit par rapport à l'unité, or cela n'est pas, car ce terme est , qui est notoirem.t une partie finie de l'unité; Ce n'est pas une contradiction comme Vous pensez peutetre, que la Somme d'une progression soit finie, quoique composée d'un nombre infini de termes finis; Il n'y a qu'à considerer par Ex. la progression Geometrique dont on sait que la Somme est ; il est trop clair pour Vous prouver au long qu'elle a une infinité de termes finis, parceque chaque terme pendant qu'il est fini, le suivant l'est necessairem.t aussi puisqu'il est la moitié du precedent, et que la moitié du fini est aussi finie; Mais voici ce que je pense; il y a en effet dans un nombre infini File icon.gif de termes finis, mais ce nombre infini est infinim.t plus petit que le nombre infini de termes finis dans ; Ainsi pour ne pas revolter les Esprits par ces paradoxes hardis, ne feriés Vous pas bien Mr. de moderer V.tre enoncé en cette maniere: Donc il y a dans une infinité de termes finis, et dans il y en a aussi une infinité, mais qui par rapport à l'autre n'est que finie, etant infiniment plus petite. On s'y rendra aussi aisément, qu'à la proposition que voici prise de la comparaison que j'ai fait cy dessus: Il y a dans le tourbillon solaire une infinité de parties egales à une montagne, et dans la Terre il y en a aussi un'infinité mais cette infinité n'est que finie en comparaison de celle là.

Vous avés raison de dire, que et ont le meme nombre infini de termes, puisque tout terme de a son quarré dans ; mais on n'accordera pas aisém.t la consequence que Vous en tirez, en disant: donc un nombre infini de termes () qui etoient finis dans sont devenus par l'elevation au quarré () infinim.t petis dans . De grace Mr. qu'y a-t-il de plus choquant, que de dire qu'un terme fini, (j'entens fini par rapport à l'unité) puisse devenir par l'elevation au quarré infinim.t petit; la raison de à est comme à 1; Ainsi lui meme doit etre infini, afin que devienne infinim.t plus petit que , or etant infini, il est clair que n'est pas fini, mais infinim.t petit (par rapport à l'unité) quoiqu'infinim.t plus grand que .

File icon.gif Souffrez donc que je change votre consequence en celleci: Donc un nombre infini de termes () infiniment petits dans sont devenus par l'elevation au quarré () infiniment plus petits dans ; Pour eviter la logomachie il faut faire attention à ce que j'ai dit cidessus, qu'une meme quantité peut etre nommée en differens sens finie, infinie et infinim.t petite; par conseq. (supposé être un nombre infini) ces trois termes 1, , sont tels que l'un par ex. etant pris pour fini, le precédent 1 sera un infini et le suivant sera un infinim.t petit; en un mot, ils sont comme la Terre, la montagne et le grain de sable; Si Vous considerez l'unité ou la Terre comme finie, alors ou la montagne doit étre considerée comme un infinim.t petit du 1.er degré et ou le grain de sable comme un infinim.t petit du 2.d degré, que si au contraire ou le grain de sable est regardé comme un fini, on regardera ou la montagne comme un infini du 1.er degré et l'unité ou la terre comme un infini du 2.d degré; Il en est de meme du nombre de termes finis dans car quoiqu'il soit effectivem.t infini par rapport à l'unité, il ne laisse pas d'etre infiniment plus petit que le nombre de termes finis dans , ce que je prouve ainsi; La Suite , , , , etc. ... etant continuée arrivera necessairem.t à un terme, qui sera parceque les denominateurs 1, 2, 3, 4 etc. comprenent tous les nombres entiers possibles, entre les quels est aussi ; Mais la Suite , , , , etc. ... ayant autant de termes que la Suite , , , , etc. ... File icon.gif et celleci continuée jusqu'à ayant infinim.t plus de termes (supposé infini) qu'etant continuée seulem.t jusqu'à ; il est evident que ou la Suite , , , etc. ... ... aura un nombre de termes finis, infinim.t plus grand, que n'a la suite ou , , etc. ... . L'idée que je viens de donner du fini et de l'infini, ôte l'horreur du Paradoxe que Vous tirez de Votre raisonnem.t, en disant, donc un nombre infini de , ou de termes finis de la Suite naturelle, 1, 2, 3 etc. deviennent infinis etant quarrés ou ; il n'y a qu'à dire que ces termes quoiqu'infinis par rapport à l'unité ne sont que finis par rapport à ; comme les eux memes sont finis par rapport aux , et les le sont par rapport aux , et ainsi de suite. Enfin il y a des degrés entre les infinités ou d'une infinité à l'autre, les uns en montant et les autres en descendant; Souvenez Vous Monsieur, de ce que j'ai d'abord insinué que les termes de fini, d'infini et d'infinim.t petit, ne sont que relatifs, et qu'il n'y a rien de grand ni de petit en lui meme, rien de fini, ni d'infini, ni d'infinim.t petit, sinon par rapport de l'un à l'autre; Il me semble qu'on n'a pas assez reflechi sur cela, autrement on se seroit tiré de ces embarras sans beaucoup de difficulté.

Vous dites, qu'il n'y a dans que des termes de deux ordres, des finis et des , et que dans il y a des finis à l'origine et des infiniment petits du second ordre à l'extremité. Pardon, Monsr., je conçois la chose autrement, Vous ayant deja fait voir, que la Suite ne se borne pas au File icon.gif simple , mais qu'elle va pour ainsi parler, au dela de l'infini, jusques à un nombre de termes infinis de tous les dégrés imaginables; je l'exprime ainsi; [9] Par la meme raison j'exprime la Suite en cette maniere

Mais remarquez qu'entre deux dégrés d'infinité quelconques, on peut conçevoir derechef un nombre infini d'infinités mises en suite, dont chacune est infiniment plus grande que la precedente; ainsi entre l'unité et il y a , entre 1 et il y a , entre 1 et il y a etc. ce qui fait que certainem.t dans la suite il se trouve aussi un terme, qui sera infinim.t petit par rapport au premier terme mais infinim.t grand par rapport à ; Vous me direz peutetre que ne se trouve pas dans parceque n'est pas un nombre rationel; cependant chaque nombre rationel ayant toujours pour racine un autre nombre rationel, à moins d'une unité prés, il est manifeste que passera pour rationel parceque l'unité est infinim.t peu en comparaison de la veritable racine de ; c'est pourquoy il y a necessairem.t dans un terme reellem.t egal à ; donc le quarré de ce terme qui est se trouve aussi dans , File icon.gif donc le meme se trouve dans et dans , mais avec cette difference, que dans il est infiniment plus eloigné du premier terme, qu'il n'est dans . Voici donc la reponse que je fai à Votre question mais quels sont les de ? car je reponds qu'il est bien vray que ce ne sont pas les de quarrés, mais que ce sont les de quarrés.

Vous voyez Mr., que c'est parler improprement que de dire, que la Suite naturelle infinie des nombres commence par le fini et se termine par ; Car au contraire il ne se termine nulle part; c'est une espece de contradiction se terminer à l'infini: j'ai fait voir, que la Suite naturelle des nombres va à un nombre infini de degrés d'infinités que j'exprime ainsi 1, 2, 3, ... , , , ... , , , ... , , , ... etc. Votre passage du fini à l'infini par la seule addition de 1 me paroit inconcevable; il faudroit selon Vous que fut un nombre fini. Je ne sai si j'ose me flatter, que cette Lettre Vous fera changer de sentiment et de langage. Ce que Vous appellés des finis indeterminables que Vous dites étre necessaire pour la nuance, ou pour le passage pretendu du fini à l'infini, enfin Vos finis indeterminables me sont des veritables infinis par rapport à l'unité, mais de infinis qui sont infiniment plus petits que ceux du degré suivant.

Voila Mr. mes pensées, je n'ai garde au reste de m'eriger en Juge, pour decider si vos raisonnements File icon.gif sont justes, c'est plutot à Vous que je laisse la decision s'ils ne peuvent pas être conciliés avec les miens, je crois en effet que pour la pluspart nous ne differons que dans les manieres d'envisager la Nature du fini, de l'infini et de l'infinim.t petit. Mon fils n'ayant pas reçû le recepissé que Mr. Nicole s'étoit chargé d'envoyer à Venize, ecrivit le 12.e de ce mois à Mr. de Mairan pour le prier de retirer la Somme dûe pour le prix et de la lui faire tenir; mon fils lui envoya avec cela une procuration en forme ecrite de sa main et munie de son cachet, esperant que cette procuration aura le meme effet aupres de Vous, qu'auroit l'extradition du Recepissé qu'il n'a jamais reçu, soit qu'il se soit perdu en chemin ou que Mr. Nicole l'ait retenu, au quel cas on n'auroit qu'à le lui redemander. J'ai l'honneur d'étre avec toute la veneration dûe à Votre grand merite Monsieur Votre tr. h. et tr. ob. serv. J. Bernoulli

Bale ce 28. Maj 1725.

P. S. Mr. Bruckner est icy de retour depuis environ 4 jours, il vient de me parler; ses hardes avec le paquet des 3 Exempl. de la Mechanique de feu Mr. Varignon ne sont pas encor arrivés, mais il les attend tous les jours; Je Vous suis bien obligé Monsieur de ce precieux livre, mes remercimens s'il Vous plait à ceux qui m'en font present; Je me flatte d'y trouver de tres belles choses.


Fussnoten

  1. [Text folgt]
  2. [Text folgt]
  3. [Text folgt]
  4. [Text folgt]
  5. Quintus Horatius Flaccus, Epistolae ad Pisonem, 388
  6. [Text folgt]
  7. [Text folgt]
  8. Die gleichen Argumente bringt Johann I Bernoulli später auch in seinem Brief an Christian Wolff von 1730 08 31 vor.
  9. In dieser Formel wurde der im Manuskript fehlende vorletzte Summand ergänzt.


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