Bernoulli, Johann I an Renau d'Eliçagaray, Bernard (1713.07.12)

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Kurzinformationen zum Brief       mehr ...
Autor Bernoulli, Johann I, 1667-1748
Empfänger Renau d'Eliçagaray, Bernard, 1652-1719
Ort Basel
Datum 1713.07.12
Briefwechsel Bernoulli, Johann I (1667-1748)
Signatur Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 666, Nr.1
Fussnote Nicht foliiert. Am Briefkopf steht: "à Mr. le Chevalier Renau Lieut. General du Roy Catholique". Das PS umfasst 3 Seiten.



File icon.gif à Bale ce 12 Juillet 1713.

Monsieur

La tres obligeante lettre du 6. Juin que Vous m'avez fait l'honneur de m'ecrire en m'envoyant Vôtre Memoire[1] auroit dû m'engager à Vous repondre incontinent; mais j'espere que Vous aurez la bonté d'excuser ce petit delay causé par quelques affaires fort pressantes qui me survinrent inopinément. Quant à Vôtre dispute d'il y a 20 ans avec feu Mr. Huguens, il est vray que j'ay été de vôtre sentiment contre le sien, sur le recit que feu Mr. le Marquis de l'Hopital m'en fit alors dans une de ses Lettres,[2] mais sans me rapporter le detail de toutes les raisons alleguées de part et d'autre, exceptées quelques unes des Vôtres, qui me paroissoient tres specieuses et convainquantes; ce qui fit que je me rangeay de vôtre coté, en condamnant[3] le sentiment de Mr. Huguens.

Vôtre Livre n'etant pas parvenu alors jusqu'icy,[4] je fus contraint d'en demeurer-là, sans examiner de plus prés cette matiere comme je l'aurois fait si j'avois pû trouver ce Livre, pour m'eclaircir par ma propre Lecture du point de la controverse, et pour me File icon.gif mettre plus en etat d'en porter mon jugement. Ainsi je l'abandonnay jusqu'à ce temps-cy, que Mr. de Montmort me manda il y a environ 4 ou 5 mois, que Vous alliez faire imprimer quelque chose de nouveau sur cette dispute;[5] cela m'en reveilla le souvenir, et excita en même temps ma curiosité de lire vôtre Theorie de la manoeuvre des vaisseaux pour sçavoir precisément de quoy il s'agissoit entre Vous et Mr. Huguens: Un ou deux mois aprez quelqu'un de mes Amys, de qui j'entendis par hazard qu'il possedoit ce livre, eut la bonté de me le communiquer:[6] Je le parcourûs donc avec grande avidité et avec beaucoup d'attention: J'y ay trouvé à la verité de tres belles choses, bien ecrites, et tournées d'une maniere agreable. Mais Vous me pardonnerez Monsieur si je me sers de la liberté que Vous m'avez accordée de porter mon jugement sans aucun egard que celuy de la verité, pour Vous dire, qu'outre la meprise que Mr. Huyguens a remarquée touchant la vitesse du vaisseau dans une route oblique, j'en ay decouvert encore une autre qui concerne la determination de l'angle de la derive, et que Mr. Huguens a passé sous silence en y consentant tacitement comme je le puis prouver par ses propres objections. J'avoue que Vos raisonnemens dans ces deux endroits ont comme par tout ailleurs tout l'air de verité, en sorte qu'il est difficile de ne se laisser pas entrainer par une grande vraysemblance qui y regne, et qui Vous a imposé à Vous meme; Ma remarque sur vôtre maniere de determiner la derive, consiste en ce que File icon.gif je voy que Vous pretendez page 17 et 18, que si l'on sçavoit le rapport qu'il y a, de la resistance que le vaisseau trouve à fendre l'eau avec son coté, à celle qu'il trouve à la fendre avec sa pointe, on determineroit la ligne de la route du vaisseau,[7] ce qui ne sçauroit subsister; Car il s'en suivroit, que la raison de à (v. la fig. 1 du Chap. II) seroit toujours la meme dans un meme vaisseau, quelque grand ou petit que soit l'angle , et quelque figure que le vaisseau ait; au lieu que je trouve que ce rapport de à est variable et qu'il depend entierement de la figure du vaisseau et de la grandeur de l'angle . Je puis meme demontrer que le vaisseau pouroit etre d'une telle figure, que non obstant que la resistance contre le coté fut par ex. mille fois plus grande que celle contre la pointe, l'angle deviendroit neantmoins plus petit que l'angle de la derive . Cela Vous paroit un paradoxe, cependant j'en ay la demonstration.

Enfin Monsieur voyant que sur ces deux principes que Vous supposez pour la determination de la derive et de la vitesse, s'appuye toute votre theorie, et que par consequent celle-cy tombe, si ceux-là sont detruits; j'ay travaillé à une nouvelle Theorie, qui est à la verité beaucoup plus difficile et moins simple que la Vôtre, mais que faire, si la matiere en elle meme devient difficile et embarassante quand on la veut traiter suivant le veritable systeme? c'est sans doute ce qu'avoit prevû Mr. Huguens, qui ne voulut pas entreprendre de determiner la derive. J'ay donc, dis-je, travaillé à composer un discours sur ce sujet; dans le dessein File icon.gif de l'envoyer à l'Academie et de le publier meme, si Elle l'aprouvoit; Je l'aurois aussy prié de vous communiquer auparavant mon manuscript, afin que je pûsse avoir ou vôtre approbation ou Vôtre solide refutation; l'une ou l'autre m'auroit induit ou à en hater la publication, ou à la supprimer. Il ne tient qu'à Vous Monsieur de me faire connoitre votre sentiment là dessus, et ce que Vous souhaitez que je fasse; j'auray l'honneur d'executer Vos ordres. Trois ou quatre semaines aprez avoir achevé mon ecrit, on me livra fort à propos le memoire que Vous avez eu la bonté de m'envoyer, lorsque j'avois l'imagination de ces choses encor toute fraiche. L'envie de voir comment Vous vous defendés contre la replique de Mr. Huguens fit que je le parcourus encore le meme jour; et que j'en reiteray la lecture le lendemain afin qu'aucune particularité ne m'echappat; J'ay d'abord remarqué que Vous considerez maintenant la vitesse du vent comme comparable à celle du vaisseau, au lieu que vous l'aviez supposé dans vôtre Theorie comme infinie par rapport à la vitesse du vaisseau, afin de pouvoir s'imaginer que le vent agisse toujour avec la meme force sur la voile soit que le vaisseau soit en repos ou qu'il se meuve; ce que Mr. Huguens a aussy supposé dans ses pieces, et moy de meme dans mon discours; en effet je croy que nous avions raison tous nous trois, de prendre ainsi le vent comme infiniment rapide, puisqu'il l'est actuellement à un tel point, que la difference de la force contre la voile du vaisseau en repos et de la force contre [u]ne voile du meme vaisseau en mouvement doit étre insensible, et peu digne d'y File icon.gif avoir egard quand on veut construire des regles pour la solution des problemes, qui ne sont déja que trop difficiles, sans les embarasser d'avantage par des minuties de peu d'importance, lesquelles rendroient cependant le calcul extremement penible.

Je conjecture que feu mon frere qui parla le premier dans les Actes de Leipsic de cette diminution de force sur la voile du vaisseau qui fuit le vent, Vous a donné occasion, de la tirer presentement aussy en consideration, pour expliquer diverses choses qui en dependent, ce que Vous executez admirablement bien, rien n'etant plus beau ni mieux raisonné que (par ex.) l'application que Vous faites des principes generaux rapportés au commencement et reçû de tout le monde, au mouvement d'un vaisseau; Vos raisonnements sont convaincants, solides et suivis depuis l'art. 7 jusqu'au 22. Mais etant fort attentif, où pourroit donc étre la source de la discrepance qui Vous separe d'avec Mr. Huguens, et aussy d'avec moy, quant à la determination de la vitesse du vaisseau, mû dans une route oblique à la voile; Je l'ay enfin decouverte dans l'art. 24 mais j'avoue que Vôtre raisonnement a une si grande vraysemblance, que bien des gens s'y tromperoient, et qu'il seroit meme difficile d'en faire comprendre le paralogisme, à qui voudroit s'opiniatrer soit par prevention ou par d'autres motifs. Voycy ce que c'est:

Vous pretendez Monsieur, que (v. Fig. III) represente la vitesse uniforme, que le vaisseau recevroit par le moyen de la premiere voile toute seule, suivant la direction ; et si File icon.gif represente la vitesse du meme vaisseau qui Luy seroit imprimée moyennant la seconde voile toute seule suivant la direction ; Vous pretendez, dis-je, dans l'art. 24 que le vaisseau poussé par les deux vents tout ensemble, il ira dans la direction , et avec une vitesse exprimée par diagonale du parallelogramme ;[8] or c'est l'une et l'autre partie de cette proposition que Vous ne prouvez pas par vôtre raisonnement, tout l'air de verité qu'elle a: car je pretens que la diagonale n'est ni la direction ni la vitesse du vaisseau ; en voycy ma raison: Il faut d'abord remarquer que le vaisseau etant consideré comme dans le vuide ou comme une bille sur un billard, poussé tout à coup et à la fois suivant les deux directions et par deux forces ou plutot par deux chocs que je suppose etre tels, que si chacun choquoit seul sans l'autre, l'un luy imprimeroit une vitesse designée par , et l'autre une vitesse designée par ; je dis que dans ce cas le vaisseau ou la bille poussée par ces deux chocs ensemble, prendra effectivement la route et la vitesse designée par ; car n'y ayant icy aucune resistance qui s'oppose au mouvement, il n'y a nulle raison pourquoy chacun des deux chocs n'ait son entier effet; or les effets de chacun sont les vitesses et imprimées au corps suivant leurs propres determinations, il faut donc qu'il acquiere la direction et la vitesse pour satisfaire en meme temps aux deux causes laterales c'est à dire pour conserver les vitesses et dans leur direction; c'est là à peu pres le raisonnement que vous faites, et dont je tombe d'accord, quand au corps mû dans le vuide ou dans des milieux non resistans.

File icon.gif Mais il en est tout autrement quand le corps se meut dans une matiere resistante, dont la resistance continuelle fait, qu'il ne suffit pas avoir imprimé au vaisseau dans un instant deux vitesses laterales et , pour en composer une selon la diagonale ; comme on le conçoit dans les corps qui se meuvent dans le vuide non par une impression continuellement appliquée, mais par des chocs faits tout d'un coup; car la resistance d'une matiere fluide se faisant sentir continuellement demande aussy une force mouvante continuellement appliquée au corps pour le soutenir dans le mouvement; or cette resistance externe change de direction à mesure que la force mouvante en change, en s'opposant toujours directement au mouvement du corps ; En sorte que vous voyez bien Monsieur que quoiqu'il soit vray que le corps (que je suppose toujours avec Vous qu'il fende l'eau egalement de tous cotés) trouve sa resistance suivant , s'il se meut actuellement suivant la direction , et qu'il trouve sa resistance suivant , s'il se meut actuellement suivant la direction ; il ne s'ensuit pas, que ces deux resistances laterales subsistent actuellement si le corps se meut suivant une troisieme ligne, puisqu'il est visible, qu'il n'y a point d'autre resistance actuelle à considerer que celle que le corps trouve directement opposé à son passage suivant cette troisieme ligne.

Pour faire voir la difference qu'il y auroit entre la resistance actuelle directement opposée au mobile de quelque coté qu'il se meuve, et les deux resistances actuelles laterales de directions invariables je produiray deux manieres de concevoir les milieux resistans, dont la premiere convient à tous les fluides uniformement resistans, et la seconde n'est qu'ideale qui ne repond à rien dans la nature, ce sera cependant Votre idée sous laquelle Vous concevez les fluides resistans. Premierement. Concevons[Figur folgt][9] un corps dans le centre d'une infinité de circonferences concentriques , , etc. de egales distances , , etc., imaginons qu'une certaine matiere qui resiste en simple raison de la vitesse du mobile qui la traverse, occupe ces circonferences, ou qu'elle soit disposée [au]tour de ces circonferences comme si par exemple toutes ces circonferences étoient auFile icon.giftant de filets à rompre par le mobile ,[Figur folgt][10] poussé du centre vers quelque point de la circonference: Je voy que dans quelque direction que le corps se meuve pour se faire jours à travers les filets, il les remonte toujours perpendiculairement si bien qu'il n'a qu'une seule et simple resistance directement opposée à surmonter: mais la direction de cette resistance est variable, puisqu'il est visible qu'elle se dirige toujours à etre directement opposée à la direction du mouvement du corps , de quelque coté qu'il aille. Et quoique nous supposions que le corps soit tout à la fois poussé par deux forces suivant et suivant , et forcé ainsi de prendre une route moyenne, on ne poura pas dire que des deux resistances laterales, que le corps souffriroit s'il alloit separement dans chacune des directions et , il resultera la resistance moyenne suivant la direction , puisque cette resistance moyenne est par elle meme simple et directement opposée au mouvement du corps , comme s'il avoit été poussé immediatement par une troisieme force suivant la direction , en sorte que cette resistance moyenne qui seule est actuelle ne depend aucunement des resistances laterales, qui ne sont pas actuellement existantes.

Mais 2.do concevons que les filets soient disposés en lignes droites paralleles [Figur folgt][11] d'intervalles egaux , , etc. qui doivent etre rompu par le corps mû par une force suivant la direction ; et que d'autres filets , , etc. aussy egalement distans et qui croisent les premiers à angles droits, soient à rompre par le meme corps , quand il est poussé par une autre force suivant la direction : Or il est clair que si les deux forces agissent ensemble et qu'elles fassent par consequent prendre au mobile une route moyenne , la resistance que le mobile rencontre en forçant obliquement les filets, n'est pas simple et directement opposée à la route comme dans le cas precedent, mais File icon.gif elle sera toujours composée de deux laterales, qui sont toujours de directions invariables dont l'une repousse le mobile, par exemple de l'orient vers l'occident pendant que l'autre agit du septentrion vers le midy: si bien que ces deux resistances laterales conservent toujours les memes directions et se font ainsi actuellement sentir au corps , quelque obliquité de route qu'il prenne.

Je n'en dis pas davantage Monsieur, car je conte que Vous comprendrez à cet heure sans peine que le raisonnement que Vous faites dans l'art. 24 de vôtre memoire auroit lieu, si la resistance de l'eau contre le vaisseau se faisoit à la maniere de ce second cas; mais comme c'est plutot au premier cas qu'il faut la comparer, ce que Vous m'accorderez sans doute, il est visible que le dit raisonnement ne peut plus subsister, à moins que Vous ne pretendiez (contre mon attente), que l'une et l'autre maniere de concevoir les filets resistans produiroit le meme effet tant pour la direction que pour la vitesse du corps poussé à la fois par deux forces suivant les deux directions et ; notez cependant que je suppose que les filets dans l'un et l'autre cas sont fait d'une façon (quoique difficile à executer) que chacun d'eux resiste en proportion de la vitesse avec laquelle le corps le rencontre perpendiculairement, parceque de cette maniere la force qui est requise pour conserver une vitesse uniforme au corps suivant la direction perpendicualire , sera comme le quarré de la vitesse; vû qu'elle doit etre egale à la resistance totale laquelle est en raison composée du nombre des filets rompûs dans un temps donné et de la resistance de chaque filet, c'est à dire que chacune de ces raisons etant egale à celle de la vitesse, composeront ensemble la raison doublée de la vitesse.

File icon.gif Aprez Vous avoir fait voir Monsieur en quoy consiste Vôtre meprise touchant la determination de la route et de la vitesse du vaisseau poussé à la fois par deux vents dont les directions font un angle droit, et dont chacun fait son impulsion sur une voile qui luy est perpendiculaire; il est à propos que je montre la veritable maniere de determiner et la route et la vitesse d'un tel vaisseau poussé ainsi par deux forces: Soit donc le vaisseau en ;[Figur folgt][12] la direction et la vitesse uniforme qu'il auroit par la seule impulsion du vent perpendiculaire sur la voile ; la direction et la vitesse uniforme que le meme vaisseau auroit s'il etoit poussé seulement par le second vent perpendiculaire sur la voile . Soit prolongée en , en sorte que soit la troisieme proportionelle de à ; soit achevé le rectangle ; je dis que le vaisseau poussé par les deux vents ensemble ira non point dans la ligne diagonale du rectangle ni avec la vitesse exprimée par , comme Vous le pretendez, mais suivant la direction diagonale du parallelogramme et avec la vitesse designée par moyenne proportionelle entre et .

La demonstration n'en est pas difficile, si on admet la composition des forces qui est le principe fondamental de toute la statique: Car les forces des deux vents, quand ils agissent chacun separement, etant egales aux resistances de l'eau (parce que je suppose les vitesses uniformes), et ces resistances etant comme les quarrés des vitesses; il File icon.gif est manifeste, que si nous considerons maintenant les deux forces agir ensemble; c'est comme si un point etoit solicité continuellement par deux puissances suivant les directions et , et que ces puissances fussent comme les quarrés de et de , c'est à dire comme les lignes de et . D'où il suit que la diagonale marquera la direction et la quantité de la puissance moyenne, donc la resistance de l'eau que le vaisseau souffre dans cette route etant directement opposée et egale à cette troisieme puissance, il faut que la vitesse soit exprimée par moyenne proportionelle entre et , puisque les resistances sont comme les quarrés des vitesses, et marque (par hypothese) la resistance et la vitesse que le vaisseau auroit, si le premier vent agissoit seul. Je conclus de tout cecy, que si un troisieme vent soufflant à contresens suivant sur une voile perpendiculaire luy imprimoit une force designée par , comme les forces imprimées aux deux premieres voiles et sont designées par et ; je conclus, dis-je, que le vaisseau demeureroit contrebalancé de touts cotés et ne bougeroit pas, de meme qu'un point étant solicité par trois puissances dans les dites directions et dans la dite proportion seroit dans un parfait equilibre, suivant le principe de statique allegué.

Cependant Monsieur Vous revoquez en doute ce principe, et Vous le traitez de tradition passée des Anciens Geometres jusqu'à notre temps; car c'est apparemment de ce principe que Vous parlez dans vôtre Lettre, puisque Vous reconnoissez dans l'avertissement p. 5 que Mr. Huguens File icon.gif reduisit la question à un cas de statique qui est justement le principe de la composition des forces. Mais voulez Vous combattre une chose qui est la base non seulement de la statique mais j'ose bien dire de toute la mechanique? en verité Monsieur Vous n'y pensez pas! toute cette science tomberoit en ruine; il n'y auroit plus rien de certain; la force du levier tiré obliquement, celle du plan incliné, generalement l'action de toutes les machines qui y ont rapport comme la vis, le coin etc., enfin tout ce qu'on a ecrit jusqu'apresent sur l'equilibre des forces qui agissent obliquement les unes sur les autres seroit faux, et leur proportion etablie sur ce principe ne seroit plus la veritable; cependant que direz Vous si on la peut confirmer par une infinité d'experiences? en voycy une qui est tres propre[13] pour le cas en question:[Figur folgt][14] et sont deux poids egaux attachés aux deux extremités d'une corde , qui passe pardessus les deux poulies et que je suppose dans le meme niveau: au point du milieu est suspendu un troisieme poids , qui en descendant fera monter les deux autres, jusqu'à ce que tous trois soient en equilibre: Or quelle proportion y aura-t-il alors entre les poids et ou ? La regle commune veut que (ayant achevé le parallelogramme , et prolongé pour avoir la diagonale ) le poids soit au poids comme ou à , c'est à dire (supposé que soit un angle droit) comme 1 à ; aussy est ce que l'experience verifiera si vous voulez prendre la peine de l'essayer; mais selon Vous le poids seroit au poids comme le quarré de au quarré de , ou comme 1 à 2; et ainsi le poids seroit egal aux deux poids et ensemble File icon.gif ce qui repugneroit manifestement à l'experience: outre que l'axiome generale de statique seroit detruit, où on suppose que le commun centre de gravité de plusieurs poids agissant les uns sur les autres sera descendu le plus bas, quand tous ces poids se seront mis en equilibre. Car il me sera facile de prouver, que si le poids est supposé double du poids ou du poids , et un angle droit, le commun centre de gravité des trois poids , , et ne sera pas dans sa plus basse situation au dessous de l'horizon , et que par consequent il n'y aura point d'equilibre entre les trois poids , et ; mais si au contraire le poids est supposé au poids ou comme à , je demontre aussy facilement que alors le centre de gravité se trouvera le plus bas qu'il est possible, et partant que les trois poids se soutiendront mutuellement en equilibre. Mais j'apprehende Monsieur d'abuser de Vôtre patience; c'est pourquoy je finis en vous priant de me pardonner si Vous trouvez que j'ay trop librement dit mon sentiment; souvenez Vous que Vous m'en avez donné la permission; J'aurois peut etre pû dire les memes choses en moins de paroles, et la penetration d'esprit qui Vous est si naturelle n'auroit pas manqué de Vous faire connoitre mes pensées à demi mot, de sorte que j'ay mal fait de vous ennuyer par une si longue lettre; mais considerez[15] que c'est un Etranger qui Vous ecrit, à qui le defaut de connoissance suffisante de Vôtre langue ne fournit pas toujours les expressions les plus courtes ni les plus commodes: Quoiqu'il luy en reste assez pour Vous assurer qu'il se dit avec un profond respect Monsieur Votre tres humble et tres-obeissant serviteur J. Bernoulli.

P. S. Je croy Monsieur qu'aprez tout ce que je viens d'ecrire dans cette lettre, il sera inutile de repondre tout au long au 3 pretendues absurdités, aux quelles Vous dites que conduit le principe de Mr. Hugens, principe qu'on a employé de tout temps dans la mechanique et dans la statique. Il suffit que j'avertisse que la premiere de ces absurdités, pag. 71, vient de ce que Vous ajoutés les vitesses que le vaisseau auroit par l'impression sur chaque voile separement, pour avoir la vitesse quan[d] les vents concourent, ce qui n'est pas permis dans le plein comme dans le vuide par les raisons susdites: Car[16] de ce que l'impulsion du vent perpendiculaire sur la voile si ce vent agissoit seul donneroit au Vaisseau la vitesse dans la direction oblique (supposé le vaisseau attaché à une corde infinie dans la direction de la voile , qui seroit perpendiculaire à ), et de ce que l'impulsion perpendiculaire sur la voile du vent , s'il agissoit seul donneroit au vaisseau dans la meme direction la vitesse , Vous ne faites pas bien de conclure pag. 78 que la vitesse du vaisseau qui resulte par le concours des deux vents sera et par consequent plus grande que ; car vous n'en deviez conclure autre chose si non que cette vitesse resultante dans la direction sera , puisque et marquant les vitesses separées, leurs quarrés et marqueront les forces avec les quelles le vaisseau est poussé par chaque vent dans la direction ; or quand les deux vents concourent il est manifeste que ces deux forces seront jointes ensemble pour pousser le vaisseau conjointement suivant , la force File icon.gif totale suivant cette direction sera donc , et partant la vitesse sera la racine de cette force et non point : Mais il est aisé de faire voir que est plus petit que et qu'ainsi l'apparente contradiction à la premiere partie de votre demonstration cesse; car , et, donc ; donc , et . Vous voyez donc Monsieur que l'impression du vent perpendiculaire sur la voile , doit l'emporter dans votre seconde supposition aussy bien que dans la premiere sur l'impression qui resulte du concours des deux vents et qui poussent perpendiculairement, le premier la voile , et le second la voile , et faire mouvoir le vaisseau de vers .

Pour ce qui est des deux autres absurdités rapportées aux articles 35 et 38 Vous les prenez pour telles, mais ce ne sont pas des absurdités dans mon opinion; car en supposant la vitesse du vent comme finie et comparable à celle du vaisseau, il ne me paroit pas absurde ni impossible que la vitesse oblique d'un vaisseau retenu par une corde infinie devienne plus grande que la vitesse oblique du vent, et meme plus grande que la directe. Mais cela n'arrive pas quand on suppose la vitesse du vent incomparablement plus grande que celle du vaisseau dans la meme direction; pag. 81 il y a faute d'impression, au lieu de on doit lire en trois endroits.

Le reste des inconvenients dont Vous faites mention art. 36 se dissipe d'abord, si Vous prenez la File icon.gif peine de considerer, que Vous supposez icy à tord un equilibre entre la somme des efforts des deux vents , sur les deux voiles , (voyez vôtre Fig. III) et entre l'effort du troisieme vent sur la troisieme voile : Car je vous ay déja montré que de la maniere que Vous concevez la disposition des voiles et les vents le troisieme le doit emporter sur les deux autres; Et que pour rendre en equilibre ces trois voiles les unes avec les autres, il faut disposer la troisieme en sorte qu'elle soit perpendiculaire non pas à la diagonale , mais à l'autre diagonale (voyez ma figure 3) et le troisieme vent doit etre dans la direction et non pas , et sa force doit etre telle que la vitesse qu'il imprimeroit au vaisseau s'il agissoit seul sans le concours des autres seroit ou la moyenne proportionelle entre et , que l'on trouvera etre plus petite que . Si bien que ni la direction ni la force de ce troisieme vent, qui doit contrebalancer les deux premiers, ne repondent à celles que vous determinez dans l'article 32.

Avant que de finir, voicy une solution generale que j'ay trouvée du probleme où on demande la vitesse oblique d'un vaisseau retenu par une corde infinie, dans le cas de la vitesse du vent finie et en raison donnée à la vitesse que le vaisseau, s'il n'etoit point retenu par la corde, auroit dans la direction du vent: Soit donc [Figur folgt][17] le vaisseau en poussé par le vent que je suppose qu'il donneroit au vaisseau s'il etoit libre, la vitesse dans la route directe du vent ; Soit aussy la vitesse absolue du vent: Que l'on prenne une route oblique quelconque, dans laquelle le vaisseau soit obligé de se mouvoir par la corde infinie perpendiculaire[18] à la direction . Tirez perpendiculaire et parallele à , tirez aussy et perpendiculaires à . Soit moyenne proportionelle entre et : Elevez sur la perpendiculaire , qui rencontre prolongé en : Joignez les deux points et par la droite , tirez luy la parallele . Je dis que sera la vitesse du vaisseau lorsqu'il est obligé par la corde infinie de se mouvoir dans la route oblique : Ou si on aime mieux une expression algebraique, soit , , , ; soit aussy ; je dis que la vitesse oblique du vaisseau ou sera : je n'en mets pas la demonstration icy, car c'en est assez; je ne suis déja que trop long; je Vous en demande Monsieur mille pardons.


Fussnoten

  1. [Text folgt]
  2. [Text folgt]
  3. Im Manuskript steht "condanant"
  4. [Text folgt]
  5. [Text folgt]
  6. [Text folgt]
  7. [Text folgt]
  8. Im Manuskript fehlt
  9. [Link folgt]
  10. [Link folgt]
  11. [Link folgt]
  12. [Link folgt]
  13. figure
  14. [Link folgt]
  15. Im Manuskript steht "considerer"
  16. Hier findet sich die Randnote "(voyez votr. fig. IV)".
  17. [Link folgt]
  18. Der Text von "perpendiculaire" bis "demon-" findet sich im Manuskript am linken Rand der Seite.


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