Crousaz, Jean Pierre de an Bernoulli, Johann I (1722.09.25)
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Autor | Crousaz, Jean Pierre de, 1663-1750 |
Empfänger | Bernoulli, Johann I, 1667-1748 |
Ort | Lausanne |
Datum | 1722.09.25 |
Briefwechsel | Bernoulli, Johann I (1667-1748) |
Signatur | BS UB, Handschriften. SIGN: L I a 656, Nr.21* |
Fussnote | Schluss des Briefes, Datum und Signatur eigenhändig |
Monsieur
Je reçJe reûs la lettre que vous m'aviés fait l'honneur de m'écrire le 15.e Juillet,[1] à la Campagne où je m'étois retiré pour ma revision du Traitté du Beau[2] et quelques autres Ouvrages pressans que j'ai pourtant eté obligé d'interrompre à diverses fois pour faire des reponses dont je ne pouvois me dispenser, à diverses lettres que je recevois sur le sujet de nôtre fatal Consensus. Dez mon retour je n'ai differé Monsieur, à vous repondre que parce que M.r De Rochefort qui aura l'honneur de vous remettre cette Lettre, me paroissoit sans cesse dans le dessein de partir pour Bale, quoique son Voyage ait eté differé de semaine en semaine par diverses circonstances. Mais le temps que j'ai laissé passer Monsieur sans vous faire de reponse n'a diminué en quoique ce soit la sensibilité de ma reconnoissance pour la maniére sincère et cordiale avec laquelle vous m'avés écrit, ce qui, à mes yeux, est le caractère le plus sûr et le plus estimable de la veritable amitié. J'aurai l'honneur Monsieur, de vous assûrer dans cette même sincerité, que si je n'ai pas profité de l'occasion que me fournissoit mon Commentaire,[3] de vous rendre la Justice qui vous est duë, c'est uniquement parce que je l'ai crû superflu, et que je comptois le fait dont vous me parlés comme un fait de notorieté publique. Par cette raison je m'étois contenté de citer quelques endroits des Actes de Leipsic qui etoient restés presens à ma mémoire et qui pouvoient engager un Lecteur curieux à les consulter, ce qu'on ne sauroit faire, avec tant soit peu d'attention sans s'apercevoir manifestement d'un caractère original qu'on sent dans ce que vous avés donné et qu'on ne sent pas de même dans l'imitation qu'on en a faite. Je vous avouë, Monsieur, que je suis assés peu instruit du detail des controverses litteraires, ce qui ne vous etonnera pas quand vous saurés la multitude de mes occupations; Je laisse à part mes Compositions, puisqu'elles consistent dans un travail que j'entreprens volontairement. Je ne sai comment il est arrivé que je me suis trouvé dans la necessité d'entretenir beaucoup de commerces de Lettres; En particulier je suis obligé d'en écrire souvent à Berne, pour faire diversion[4] que pourroient produire sur les esprits diverses personnes dont je ne suis pas aimé. Je suis obligé de donner 7 heures par semaine aux leçons publiques; Je ne saurois me dispenser de faire au moins un College qui m'en prend cinq. Mais il me sera facile de reparer une omission où je ne suis tombé que parce que jugeant des autres par moi même je supposois de notorieté publique ce qui certainement le devroit être. Je ferai mettre un extrait de mon Ouvrage dans la Bibliothèque Germanique,[5] et là il sera plus naturel d'éclairer le Public sur de certains faits que dans mon Livre même. Cela sera aussi plus efficace parce qu'il sera lû par plus de gens. Avec quelque hauteur que les Mathematiciens Anglois se soyent mis sur pié de traitter tous ceux qui pensent un peu autrement qu'ils ne font, jamais je ne les craindrai assés pour user du moindre déguisement; On m'a averti qu'ils ont trouvé mon Traitté du Beau trop sec sur la Beauté des Mathematiques, et même sur celle de la Physique: J'etens beaucoup ces deux articles et j'espère qu'ils ne se plaindront plus de ma brieveté à cet égard, peut-être même trouveront-ils que j'en dis trop. Car ce que j'avance me fournit deux occasions si naturelles de vous rendre justice, qu'elles pourront leur déplaire par là même qu'elles sont si bien naturelles et si bien mises à profit: Ce qu'on dit par occasion, et quasi obiter et aliud agendo, est d'un tout autre poids quand le poids de la matiére même le soutient.
A cette occasion Monsieur je vous communiquerai une pensée. On a senti que la Gravitation Newtonienne avoit tout l'air des anciennes qualités occultes de l'Ecole, on y a fait un changement que l'on a même conçu avantageux à la Religion. La Gravitation, a-t-on dit n'est autre chose qu'un effet immediat de la Volonté continuelle de Dieu qui pousse les Planètes contre le Soleil avec des forces reciproquement proportionnées aux Quarrés de leurs Distances, en même temps qu'il les pousse aussi d'une certaine force suivant la direction des Tangentes de leur cours, de là on a le plaisir de[6] voir naitre la figure des Courbes qu'elles decrivent, et les differentes durées de leurs Periodes. Mais au lieu de cette double impulsion, l'une et l'autre l'effet immediat de l'action continuelle de Dieu, ne seroit-il point plus court de dire[7]
que Dieu trouve à propos de les conduire, dans les chemins qu'il leur fait faire, précisément avec les vitesses que l'experience fait remarquer. Dés qu'il faut avoir recours à la main de l'ouvrier, pour régler les mouvemens de la Machine, l'hypothese la plus simple me paroit la plus convenable, quand même elle ne donne pas lieu, aux hommes qui aiment le calcul et la Theorie des Courbes, de s'excercer suivant leur gout; Notre propre gout nous doit estre suspect, en matiere de conjectures et de Systéme.
Vous voyés, Monsieur, que cette lettre est de deux caracteres; Mon copiste a été obligé de s'absenter pour une affaire subite. Dès que j'ay écrit 12 lignes, mon caractere n'est plus soutenable, je suis obligé de finir malgré moy, mais c'est [du fond] de mon coeur que j'ay l'honneur de vous assurer de l'estime inviolable et du Zele avec lequel je serai toute ma vie Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur J. P. De Crousaz
à Lausane 25 Sept. 1722
M. De Rochefort est un Gentilhomme d'un tres bon caractere qui va étudier la Medecine. J'ay l'honneur de vous le recommander comme un parent qui m'est tres cher.
Fussnoten
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