Bernoulli, Johann I an Crousaz, Jean Pierre de (1718.08.02)
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Autor | Bernoulli, Johann I, 1667-1748 |
Empfänger | Crousaz, Jean Pierre de, 1663-1750 |
Ort | Basel |
Datum | 1718.08.02 |
Briefwechsel | Bernoulli, Johann I (1667-1748) |
Signatur | BS UB, Handschriften. SIGN: L I a 656, Nr.8 |
Fussnote | Am Briefkopf eigenhändig "à Mr. de Crousaz" |
Monsieur
J'ai eu bien du plaisir de voir Mr. du Pris[1] qui dans ce moment revenu des eaux de Sulzbach m'a fait l'honneur de me saluer de Vôtre part: c'est un tres-honnete homme; j'aurois bien souhaité, de Lui faire quelque civilité, mais il partira demain matin sans me donner le loisir de Lui donner quelques marques de l'estime que j'ai pour touts ceux que Vous honorez de Vôtre amitié. Il m'a confirmé ce que Vous avez ecrit dans Votre derniere au sujet de Monsr. Battier;[2] Je tacherai d'insinuer à Mr. son Pere ce qu'il aura à observer touchant la conduite de son fils; j'espere qu'il m'en sçaura bon gré; car c'est une Personne d'un grand merite qui seroit bien faché que son fils menat une vie dereglée. Il Vous sera infiniment obligé de ce que Vous prenez la peine de donner à son fils des avis salutaires; comme c'est un garçon d'un bon naturel et qui a beaucoup de genie j'espere qu'il profitera de Vos exhortations. Je plains le temps que Vos disputes au sujet de la formule du Consensus Vous ont fait perdre: Il Vous arrive à peu prés la meme chose qui m'est arrivé dans le temps que j'étois Professeur à Groningue; Mssrs. les Theologiens du parti contraire c'est à dire du parti de ceux qui haissoient les mathematiques, la saine philosophie et toutes les belles sciences, avoient cherché continuellement des occasions pour me susciter des querelles, au commencement cela me causa beaucoup de chagrin, et peu s'en fallut que je ne quitasse la station; mais je repris courage lorsque je m'aperçlorsque je m'aperûs que non seulement Mssrs. les Politiques mais les Magistrats meme et tout ce qu'il y avoit d'honnetes Gens indignés du procedé de ces Theologiens ont temoigné hautement qu'ils en étoient scandalisé, voyant que tout cela ne venoit que d'une haine inveterée et d'un esprit d'ignorance et de domination que les Theologastres ignorants se vouloient arroger sur ceux qui aimoient les sciences et les arts. Vous ne sçauriez croire Monsieur, avec combien de patience j'ai souffert pendant plusieurs années l'effet de l'odium theologicum: Mais graces à Dieu j'ai enfin triomphé de mes Antagonistes d'une maniere à les faire crever de dépit, car dans le tems qu'ils me firent sentir les plus violentes persecutions croiant que l'heure étoit venue de me pouvoir abimer ou du moins de me faire chasser hors du pays; Messeignrs. les Etats de la Province pour faire voir combien ma personne leur étoit chere, augmenterent considerablement ma pension annuelle, pour m'empecher que je n'allasse à Utrecht où j'avois été apellé à la chaire de mathematique. Ils donnerent en dernier lieu une nouvelle preuve de Leur affection envers moi, en ce qu'ils me solliciterent de nouveau à revenir chés eux, il n'y a qu'un an et demi ou environ, lorsque Mr. de Barbeyrac y alla; je crois que cela fut un grand crevecoeur à mes persecuteurs, s'il y en a encore. Je Vous ecris tout ceci, pour Vous consoler et encourager; il n'y a qu'à Vous representer que le jour viendra où la bonne cause triomphera, non si male nunc et olim sic erit.[3] La plus part de Msrs. les Theologiens à Zuric ont eté aussi tetus et aussi rigides qu'aucun de ceux à Berne, mais à l'heure qu'il est ils sont plus doux et plus traitables, c'est qu'on leur a inculqué la verité à coup de marteau, c'est à dire en resistant à leur opiniatreté avec confiance et intrepidité; ce[4] sont d'etranges gens que ces Messieurs, dés qu'on Leur parle avec soumission et respect, ils en deviennent plus fiers et il n'y a plus moyen de les ramener à l'humanité: mais si Vous les bravez à leur barbe et que Vous decouvriez un peu leur ignorance, Vous les verrez ramper, doux comme des moutons: c'est ainsi que je m'avisai enfin de traiter mes adversaires, et cela avec bien du succés.
Est-il possible qu'il y ait chez Vous des personnes qui aient pris à la lettre Vos nouvelles maximes sur l'education de la jeunesse?[5] Ces sortes de Gens seront capables de prendre dans un sens propre et serieux un petit poëme latin qui porte pour titre Grobjanus et Grobjana,[6] où la morale rustique est recommendée à peupres comme Vos nouvelles maximes; mais je ne connois personne qui ait voulu blamer l'auteur de ce poëme latin, pour s'etre servi d'une ironie qu'on pouroit prendre à la lettre: en un mot il faut étre serieusement élevé et nourri dans Vos nouvelles maximes pour croire que l'ironie ne peut étre aperçue que par les plus grands genies. C'est là mon sentiment, car je me suis aperçu de l'ironie dés le commencement de la lecture de Votre livre sans que je sois grand genie.
Je suis avec sincerité Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur J. Bernoulli
Bâle ce 2. Aoust 1718.
Fussnoten
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