Bernoulli, Johann I an Arnold, John (ca. 1688-17..) (1714.03.08)
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Autor | Bernoulli, Johann I, 1667-1748 |
Empfänger | Arnold, John, ca. 1688-17uu |
Ort | Basel |
Datum | 1714.03.08 |
Briefwechsel | Bernoulli, Johann I (1667-1748) |
Signatur | Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 673:Bl.5-6 |
Fussnote | Am Briefkopf die alte Nummer "3" |
Monsieur
Ayant attendu de jour à autre l'arrivée de la nouvelle Edition des Principes Phil. de Mr. Newton,[1] j'ay differé la reponse que je dois à Votre derniere,[2] pour pouvoir Vous en donner connoissance en meme temps que je Vous ferois mes remercimens, mais comme ce livre n'est pas encore arrivé et que je ne sçai méme quand il arrivera, je n'ose pas tarder plus longtemps à Vous répondre, de peur que Vous ne preniez mon silence comme une incivilité: Je Vous remercie donc du présent que Vous me faites du livre de Mr. Newton, puisque Vous ne me voulez pas dire ce qu'il a couté pour Vous faire rembourser l'argent; je Vous assure que Vous ne m'auriez pû faire un service plus agreable qu'en me procurant ce livre, que j'attens depuis si longtemps avec impatience; Je Vous enverrai pour une petite recompense un Exemplaire de ma nouvelle Theorie de la Manoeuvre des vaisseaux,[3] dont l'impression sera finie ou cette semaine ou celle qui viendra pour le plus tard, que je Vous prie d'accepter comme une marque d'amitié. J'ay ecrit dernierement à Mr. Varignon[4] par l'occasion d'un Polonais qui passant par ici prit la Poste pour Paris, je souhaiterois de sçavoir, s'il lui a rendu ma lettre. J'ay reçu la semaine passée un paquet de livres qui m'avoit eté envoyé de Leipsic, en ouvrant ce paquet, j'y trouvais plusieurs exemplaires d'une feuille imprimée;[5] je voi par la lecture de cet ecrit qu'il doit servir d'avantcoureur à une autre reponse plus ample et plus circonstantiée que l'on prepare en faveur de Mr. Leibnits contre le Commercium Epistolicum publié en Angleterre pour disputer à Mr. Leibnits l'honneur du calcul differentiel, et pour en attribuer l'invention à Mr. Newton:[6] J'ay crû que Vous seriez curieux de voir cette reponse (que j'apprens etre faite par Mr. Leibnits Lui meme) c'est pourquoy je Vous en envoye un exemplaire, Vous priant de le communiquer aussy à Mr. Varignon, à qui j'en enverrai par une autre occasion. Je trouve mon nom dans cet ecrit mais j'aurois souhaité que l'Auteur qui qu'il soit m'eut epargné cet honneur: car il pourroit bien arriver que Messrs. les Anglois me soubçonneront d'intelligence avec Luy comme ayant part à cet ecrit, au quel pourtant je n'ai pas eu plus de part que Vous en avez à la Constitution du Pape contre le nouveau Testament du P. Quesnel,[7] la quelle fait tant de bruit à Paris: Je ne sçai si Mr. Newton n'est pas deja un peu faché contre moi, de ce que j'ay publié l'année passée dans les Actes de Leipsic quelques unes de mes remarques sur la premiere Edition de son livre,[8] quoyque je l'aye fait de la maniere la plus honnete qui fait meme beaucoup d'honneur à Mr. Newton; le quel me devroit par consequent étre obligé de ce que je l'ay ramené de son egarement, dont il a bien sçu profiter en mettant la correction de quelques unes de ses erreurs, dont il fut averti à temps par mon Neveu,[9] sur des cartons à inserer dans la nouvelle edition avant la publication; cependant il ne m'a pas tenu la promesse qu'il m'a fait par mon neveu de m'envoyer un exemplaire de son livre et un autre du Commercium Epistolicum aussitot que l'un et l'autre seroit sorti de la presse, d'où je dois conclure qu'il n'est pas trop content de moi. Je Vous suis bien obligé de la communication de Vos nouvelles; Vous attendez peutetre que je Vous fasse part des nôtres; mais pour ce qui est des nouvelles publiques, Vous les apprendrez mieux par les gazettes que je ne pourrois Vous les ecrire; cependant on ne parle que de la paix entre l'Empereur et la France depuis le retour de Mr. de Contade, qui doit avoir apporté une resolution satisfactoire sur les preliminaires; on assure que les conferences pour regler cette paix se tiendront ici à Bale,[10] au quel cas Vous feriez bien de revenir dans notre Ville, car il y auroit de quoi satisfaire sa curiosité. La derniere maladie de la Reine d'Angleterre a fait de differentes impressions sur les Esprits selon la diversité de leurs inclinations, les uns en furent extremement consternés, les autres au contraire en eurent de la joye, esperant en cas qu'Elle vint à mourir je ne sçai quel changement de scene propre à redresser le delabrement de la cause qu'ils embrassent; il y a un tiers parti de ceux qui croyent que la mort prochaine de la Reine facilitera au Chevalier S.t George l'accés à la Couronne pendant que la division regne en Angleterre, dont il sçaura fort bien profiter étant assisté par la force de la France, à la quelle la faction disgraciée ne sera pas en etat de resister quoique soutenue par touts les efforts de la Maison de Hannov[re]:[11] Mais Vous sçavez mieux la veritable disposition de ces affaires que nous autres. Pour en venir à nos nouvelles particulieres qui nous interessent plus que les grandes revolutions de l'Europe: c'est que Mr. Fäsch Prof. en Droit est mort depuis environ deux mois, on Luy a surrogé Mr. le Dr. Wetstein Profess. de la Morale, au quel a succédé Mr. le Dr. Zäslin, qui laisse vacante la profession en Rhetorique, pour la quelle on est actuellement en dispute suivant la belle coutume de cette Université; Mr. le Dr. Mangold Comte Palatin par la grace de ses 500 fl., que l'on dit que cette dignité luy a couté à la cour de Vienne, fit avanthier l'ouverture de la scene, en soutenant le premier en public les Theses contre ses competiteurs:[12] le combat ne fut pas trop sanglant, les aggresseurs et le defenseur n'ayant pas eu trop de courage; jusqu'à present il n'y a encore que deux qui concourent avec lui, sçavoir Mr. Bruckner Ministre au petit Huningue et Mr. le Dr. Eglinguer que Mr. Varignon connoit bien,[13] et on croit generalement que celuici emportera la Profession, d'autant plus que Mad.lle Battier Fille de Mr. le D.r Battier Proff. en Droit, avec la quelle il est fiancée lui a procuré plusieurs Amis, les quels il n'auroit peutetre pas eu sans ce mariage.
J'ai prié Mr. Varignon de s'informer, si Vous n'avez point de nouvelle de ma lettre à Mr. de Moivre, que Vous avez eu la bonté d'envoyer en Angleterre sous l'enveloppe de la Votre; il m'a repondu que cette lettre etoit bien arrivée en Angleterre mais sans sçavoir pourtant si elle a eté rendue seurement à son adresse parceque Mr. Votre Frere l'avoit confiée à un valet qui devoit la rendre à Mr. de Moivre;[14] je suis presentement en peine de sçavoir si celuici l'a reçue afin que je sçache à quoi attribuer son silence, si c'est parceque n'ayant pas reçu ma lettre; il me croit dans le devoir de lui repondre, ou si c'est la part qu'il prend peut etre au mecontentement de Mr. Newton supposé qu'il en ait un contre moi, ce qui m'affligeroit beaucoup vû le grand cas que je fais de son estime, dont j'ay senti l'effet lorsqu'il m'a fait recevoir dans la societé Royale des Sciences de Londres:[15] Vous sçavez bien avec combien d'eloge je parle en toute occasion de Mr. Newton, en sorte que j'espere que Vous me rendrez justice à Votre retour en Angleterre si on Vous questionne sur le chapitre de mon sentiment à l'egard du merite de ce grand homme.
Comme je n'ay plus rien pour le present à Vous mander, je finis en Vous priant d'etre persuadé que je suis du meilleur de mon coeur Monsieur Votre tres humble et tres obeissant Serviteur J. Bernoulli.
à Bale ce 8. Mars 1714.
Fussnoten
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