Bernoulli, Johann I an Burnet, William (1712.08.24)
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Autor | Bernoulli, Johann I, 1667-1748 |
Empfänger | Burnet, William, 1688-1729 |
Ort | Basel |
Datum | 1712.08.24 |
Briefwechsel | Bernoulli, Johann I (1667-1748) |
Signatur | Basel UB, Handschriften. SIGN: L Ia 654, Nr.10 |
Fussnote | Datum am Briefend eigenhändig |
Monsieur
Il n'y a que peu de temps que j'ay reçu l'honneur de Votre derniere lettre datée le 15 May,[1] ce retardement étant causé, parce que le porteur s'etoit arreté à Francfort, là où mon Neveu le trouva et m'envoya la lettre qu'il Luy avoit demandée avec l'extrait des Transactions où est contenu l'Ecrit de Mr. de Moyvre sur le hazard,[2] que Vous avez eu la bonté de m'envoyer dont je Vous suis infiniment obligé; je l'ay parcouru avec plaisir, mais je n'y ay rien trouvé que je n'aye resolu auparavant, ou qui ne m'ait eté connu dés longtemps, quoyque les manieres de l'Auteur de calculer soient souvent fort differentes des miennes, et meme moins simples et moins naturelles: On me dit que le Fils de feu mon Frere fait imprimer son traité posthume sur la meme matiere,[3] quoy qu'à peine la moitié en ait eté achevé; comme cela se fait sans me demander mon avis ni mon conseil je ne m'en mele aucunement. Je Vous recommende mon Neveu le Mathematicien, qui aura eu l'honneur de Vous voir chez Vous; il a eu envie de faire le voyage d'Angleterre principalement pour faire connoissance avec les Savans et les personnes de merite; Comme Vous en etes une des premieres, il ne manquera pas de renouveller l'ancienne connoissance dont Vous nous avez honoré icy, d'autant plus que Vous l'avez invité à Vous aller visiter quand il seroit en Angleterre. S'il pouvoit obtenir une chaire de Mathematique chez Vous ou une autre condition convenable, je croy qu'il se resoudroit à l'accepter et que son Pere y consentiroit, faute de cela on Luy fait esperance de succeder à Mr. Herman à Padoue qui a eté appellé à la chaire de mathematiques à Francfort sur l'Oder, et qui partira de Padoue vers le printemps prochain. Je suis etrangement surpris de la conversion miraculeuse de Mr. Cheynes; mais si effectivement il est devenu si grand Saint, et qu'il n'y ait point d'hypocrisie là dessous, il faut qu'il ait bien du repentir de m'avoir traité si indignement, aprez que je Luy ay communiqué mes remarques sur son livre, les quelles il publia ensuite sous son nom; mais je doute fort que sa sainteté aille jusques à me rendre justice et à reconnoitre publiquement sa faute, il a une bonne excuse à dire qu'il ne se met plus en peine des affaires de ce monde. J'accepte avec beaucoup de joye l'offre de Mr. Halley qui me veut faire present d'un Appollonii Conica imprimé à Oxfort sous sa Direction,[4] je Vous prie de l'en bien remercier de ma part, et de luy faire mes compliments; mon Neveu en retournant pourroit se charger de ce livre, comme aussy de la nouvelle edition du livre de Mr. Newton, que Vous m'offrez pareillement de m'envoyer en cas qu'il soit achevé d'imprimer; s'il y a quelqu'autre chose de curieux je Vous prie de me l'envoyer aussy, mon Neveu Vous rendra ce qu'il aura couté. J'ay aussy appris de Hollande que Mr. Bernard a emporté la profession de Mathematique à Leyde; je suis bien aise de sçavoir maintenant, où j'en suis et à quoy m'en tenir; je ne songeray donc plus dorenavant qu'à fixer icy à Bale mon domicile perpetuel et à finir mes jours dans ma Patrie. Je suis d'accord avec Vous, que la Hollande n'aura plus la renommée d'etre la Nourrice des sciences, mais il y va des sciences comme de toute son autre fortune; il semble que la pauvre Hollande est proche d'une terrible revolution, à la quelle la superiorité des Jacobites en Angleterre n'aura pas peu contribué. Il seroit dommages que Vous quittassiez l'etude des mathematiques, car Vous seriez capable de les porter à un point d'une grande perfection, si Vous vouliez Vous y appliquer tout de bon; la vigueur de Votre age et la penetration de Votre genie pouroient surmonter tous les obstacles et les plus grandes difficultés. Je Vous remercie de la communication de l'experience de la goute d'huile entre deux lames de verre inclinées l'une vers l'autre, par la quelle on pretend prouver la force attractrice de ces lames; cependant si j'ose dire mon sentiment là dessus, je Vous diray avec permission du faiseur de cette experience, qu'elle ne prouve pas plus cette force attractrice, que ne la prouve l'experience des petits tuyaux fort menus, dans les quels[5] on voit monter l'eau par dessus le niveau, car on poura dire que la meme cause sçavoir l'air exterieur qui pressant plus librement l'eau hors du tuyau la fait monter dans le tuyau, fait aussy le meme effet sur la goute d'huile entre les deux lames de verre inclinée plus d'un coté que de l'autre, en la poussant plus librement où l'air se trouve plus au large vers le coté le plus etroit où l'air n'a pas tant de force à resister: voyla ce qu'un Cartesien pourroit repondre à cette experience.
Est ce que Messrs. de la Societé n'ont point d'occupation plus serieuse, que celle où elle est à present à demontrer que la methode des fluxions a eté connu de Mr. Newton avant que Mr. Leibnitz n'en ait rien publié; qu'importe-t-il au public de sçavoir, le quel de ces deux grands hommes a eu les premieres veues de cette Methode, chacun peut avoir eu ses[6] propres lumieres, l'un peut etre un peu plus tot[7] que l'autre: c'est une foible consequence que celle-cy: Monsieur Leibnits peut avoir vû les Principes de Mr. Newton chez Monsieur Collins, donc il les a vu actuellement; j'ay toujours ouï dire dans les ecoles qu'a posse ad esse non datur consequentia.[8] Et posé le cas que Mr. Leibnitz en ait vu quelques principes à Londres, s'en suit-il qu'il n'ait plus rien inventé Luy meme? Si cela etoit, Mr. Leibnits pouroit dire la meme chose de moy et de mon Frere, aux quels ses premieres meditations publiées dans les Actes de Leipsic ont donné la premiere occasion de penetrer dans cette methode et d'y faire ensuite de nouveaux progrés avec tant de succés que Mr. Leibnits confess[e] luy meme, que le calcul differentiel nous est plus redevable qu'à Luy, et par consequent qu'il peut etre apelé à plus juste titre le notre que le sien:[9] en effet s'il n'y avoit plus rien à inventer les mathematiciens qui sont nés ou qui naitront aprez Messrs. Newton et Leibnits seroient bien malheureux, en ce que tout ce qu'ils decouvriroient ou qu'ils ont deja decouvert ne meriteroit d'autre nom que de petits corollaires des methodes Newtoniennes ou Leibnitiennes, tout comme Mr. Cheynes le dit avec beaucoup de vanité à l'egard de Mr. Newton au prix du quel il meprise tout le reste des Geometres, au moins touts ceux qui ne sont pas Anglois ni Ecossois, ne songeant pas qu'il fait par là le meme tort à Mr. Newton, puisqu'il y a eu aussy avant luy Messrs. Barrow, Fermat, Bulliaud, Roberval et beaucoup d'autres qui ont traité des indivisibles, ou des fluxions, desquels par consequent Mr. Newton a pu profiter, comme eux memes avoient deja profité des lumieres d'Archimede, dans les ouvrages du quel on voit les premieres traces des infiniment petits ou des indivisibles ou des fluxions: Il me semble donc qu'on devroit laisser à chacun le sien et que la Societé devroit s'appliquer à des choses plus utiles au public. Voycy une lettre pour mon neveu,[10] que je Vous prie de Luy faire tenir, car il m'a ecrit qu'il Vous notifieroit aussy tot son adresse. J'ay averti Mr. Werenfels de ce que Vous m'avez mandé touchant le portrait de Mr. Votre Pere, il m'a dit qu'il Vous remercie et qu'il se donnera l'honneur d'ecrire à Mr. Votre Pere pour le remercier aussy. Aprez avoir fait les complimens de ma Femme et de mes Enfans je suis Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur J. Bernoulli
à Bâle ce 24. Aoust 1712.
Fussnoten
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